Après les attentats, mon texte.
Miss Peur
Ca ira, Ca ira…
Aujourd’hui à Paris, Miss Peur, toute d’angoisse vêtue, fête ses 20 ans. Ah le bel âge. Ce n’est plus une enfant. Miss Peur est au printemps de sa beauté, dans la fleur de l’âge, à son apogée, vigoureuse, mordante, ardente comme une guerre au sommet ! Il faudrait la marier avec un petit dictateur d’été ou un sombre général automnal !
« Chut taisez-vous et laissez-moi passer ! Tous à terre ! » a dit Miss Peur à la ville de Paris. C’est son grand débarquement, son Bal de la Rose à la petite Pépé. Elle fait son Olympia, sa Cigale, son Bataclan.
L’automne a eu la folie de se modérer un temps pour la laisser parader, sous les flashs des paparazzis, la douceur du climat, les « Hourras ! », la joie d’un vendredi et les cris des médias: « Miss Peur, par ici ! Un sourire ! Miss Peur un autographe ! Miss Peur, d’où tenez-vous votre force et votre inspiration ? Miss Peur une photo souvenir, par ici ! »
Vendredi 13. La fête est de la partie. Mais Miss Peur s’en moque. Dame Terreur fait d’ailleurs une entrée remarquée pour lui prêter main forte en robe Gris Désespoir. La fête est finie.
8 oiseaux de mauvaise augure, prédicateurs mortuaires, funestes enfants Républicons, frustrés, fumants, fanatiques, enfants de la terreur armés jusqu’aux dents de leurs traditionnelles KALACHDOUDOUCHNIKOVS, harnachés de leurs ceintures de chastetés feintes à la TNT, bardés comme des gigots de plomb sans cervelles, ont inondé le Ciel de Paris. Panam’ Panam’. Pluie infernale dans les rues de la capitale. Panam’ Panam’. Baiser mortel dans la salle. Panam’ Panam’…
C’est fort la Peur par un beau temps. C’est créatif.
Peur mondiale versus moral d’acier. Peur 1, moral 0.
Le match bat son plein. Et Miss Peur avance en belle compagnie : extrémisme, terrorisme, vente d’armes, radicalisation, capitalisme acharné, misères, crises, migrations, exclusions, racismes, guerres, attentats… Les voilà ses amies, ses alliées !
Depuis janvier, pour lutter contre la fringante Miss Peur et ses hormones chavirées, chaque Parisien y va de sa petite solution. Le très sérieux bureau des tendances affirme : « Ce printemps la mode s’aligne sur la baisse de confiance et la peur de l’autre en collection, « Repli sur soi taffetas de soie », les filles seront vêtues de robes de dentelles de douilles, des colliers de grenades au cou, chez les hommes on notera le grand retour de la ceinture à fragmentation ! » Et quoi ? On a peur mais on ne perd pas son humour ! « Je suis cynique, je suis râleuse, je suis Française ! ». Le Parisien a de l’esprit !
C’est le Week end. Les Parisiens ripostent, tendrement enlacés en terrasse. Il suffit d’un rayon de soleil et leurs pupilles dilatées de désirs palpitent. « Ca ira, ça ira, ça ira … ». Tradition française. Frémir sous les frimas, frissonner sous la fontaine, frimer sous la frousse. S’embrasser. S’embraser : « Il n’y a que la peur qui peut emprisonner les destins, essouffler les rêves, menotter l’espoir ! » Ca sent la Révolution, ça ressemble à la Révolution… Et pourtant rien ne bouge. Les parisiens veulent du bonheur. Du French Kiss. Pas la guerre. La guerre, taratata, quelle connerie !
Paris marque un point ! Tchin tchin ! A la tienne ! Paris sera toujours Paris !
Peur 1, moral 1. Egalité.
Les Parisiens sont des enfants gâtés de liberté chèrement acquise. Luxe de façade… Paris tressaille à nouveau quand Miss Peur repart dans les média, sur les lèvres des corbeaux politricards, dans la foule et les réseaux sociaux pour creuser son sillon de terreur au milieu des manifestants. Crises de panique, angoisse, réminiscences.
Paris mitraille, Paris palpite, Paris frémit. Et redevient carte postale. Son cœur est en béton. Paris clichés. Paris Lumières. Paris Capitale de la Liberté ?
C’est le week end, le soleil réchauffe les âmes, essore les peurs, la frousse se cache, plus de 100 anges passent près du cortège maintenant clairsemé des manifestants. Rien ne bouge, tout est calme à présent. Les parisiens ont retiré leurs manteaux de légèreté. Vivement les vacances pour oublier. On finit avec un petit café serré en terrasse, un demi, un blanc sec, un rosé bonheur, une discussion, un débat, une revendication, lunettes noires pour oublier !
Ce n’est pas trois terroristes qui vont empêcher le Parisien de râler au café !
Dans le ciel de Paris Panam’ Panam’ Panam’ et les cœurs chavirés de ses incorruptibles habitants, il pleure du Champagne, de la Binouze et des Frous Frous, du rock’n’roll, des Inrocks, des caricatures anti tout, anti culs bénis, anti politiques, anti intégristes, des chansons populaires et les rires des filles en mini, du pinard, des belles gueules et des petites fesses!
Dans le ciel de Paris Panam’ Panam Panam’ il pleure des grenades lacrimales, des lames de larmes, les Grandes Eaux de Versailles, du pétrole, des avions en rafale et des envies de bébés en pagaille.
Dans le Ciel de Paris Panam’ Panam Panam’ il pleure des falbalas, du tralala, des rêves d’aurores boréales, de volupté et de taffetas de soie, des Bobos, des Bo Buns, des bouquins, des ballons, une Bonne Bière, Le Carillon pour les morts des bars, les larmes de Voltaire et un boucan de cœurs battants pour tous ceux du Bataclan !
Mais de la Peur, que dalle !
Fin de partie. A suivre…
Lauréline Kuntz, 17 novembre 2015.